Dans les années 90, le rock a eu son Nirvana qu'on retient aujourd'hui pour son sens de la fracture et une esthétique volontairement brute. Le jazz a désormais son Nirvana, en la personne d'ApOllonius AbRaham ScHwarz. Cet atypique trio lausannois ne cherche pas à séduire. Il s'impose, d'entrée de jeu, abrasif. Tout fût tendu, la batterie de Dominic Frey rendrait jaloux le plus gros rockband pour son sens de la frappe massive et agacerait plus d'un «matheux» pour la complexité de ses rythmiques asymétriques. L'électrique guitariste et compositeur David Doyon connaît sur le bout des doigts tout ce que son instrument peut apporter. Mais il en veut plus, il en veut autrement. Constamment alternatif, il va chercher un son différent, une autre manière de faire résonner six cordes sur un morceau de bois. Il est donc toujours là où on ne l'attend pas, comme un sniper prêt à balancer des harmonies chargées en ampères. Le troisième homme, c'est Laurent Waeber, armé de son saxophone baryton. On ne sait pas s'il dispose d'un troisième poumon ou d'un compresseur pour donner pareille envergure à son souffle. Parfois rythmique, il simulera la ligne de basse qui colle à la batterie. Parfois collégial, il paradera avec la guitare. Mais toujours en phase, il apporte la troisième dimension, le volume et l'espace. Plutôt concises, les compositions préfèrent la densité aux discours longuets, pour mieux mettre en valeur les tonalités saturées. ApOllonius AbRaham ScHwarz: encore un concert où on sera fier de dire «j'étais là».
Laurent Waeber: Saxophones
David Doyon: Guitare
Dominic Frey: Batterie